« La vie, c'est Paris ! Paris, c'est la vie ! » (Marie Bashkirtseff)


Au Lapin Agile

Découvrez l’histoire d’Au Lapin Agile, le cabaret situé sur la butte Montmartre, dans le 18e arrondissement de Paris.

La cabaret photographié en 1913

Au 18ème siècle, le quartier de Montmartre se situe en dehors de Paris. Il se trouve au-delà du Mur des Fermiers généraux qui entoure la capitale et permet la perception d’un impôt sur les marchandises entrant dans la ville. Le vin y est donc moins cher qu’à Paris.

Pour cette raison, le bas de la colline de Montmartre voit apparaître de nombreux cabarets, comme le Moulin Rouge. Ces derniers attirent des clients parisiens ainsi qu’une population de marginaux, de souteneurs et de prostitués. Le village de Montmartre, situé sur le haut de la colline, en plus de son vin peu cher, offre également l’avantage de disposer de logements à bas prix. Il attire donc des personnes modestes dont les artistes, nombreux à venir s’y installer. Leur nombre devient considérable à partir de 1890.

C’est là, sur le haut de la colline de Montmartre, qu’est construite en 1795 une petite auberge. Elle est d’abord nommée Au rendez-vous des voleurs. En 1860, elle est transformée en cabaret. Elle prend ensuite le nom de Cabaret des Assassins. Et ce, parce que sont accrochées au mur des gravures représentant des assassins célèbres comme François Ravaillac (le tueur d’Henri IV) ou Jean-Baptiste Troppmann (qui a tué les huit membres d’une même famille en 1849).

Quelques années plus tard, en 1880, le propriétaire de ce cabaret demande à un caricaturiste qui fréquentait son établissement — André Gill — de lui dessiner une enseigne. Celui-ci lui peint un lapin vêtu d’un manteau vert, d’une écharpe rouge et d’une casquette qui s’échappe d’une casserole. Les clients surnomment alors le cabaret le Lapin à Gil en référence à cette nouvelle enseigne et à son auteur. Avec le temps, ce nom se transforme en Lapin agile.

Au début du 20ème siècle, le cabaret est racheté par Berthe Sébource et sa fille Marguerite Luc. Elles sont rejointes par Frédéric Gérard. Sous la direction de ce trio, l’établissement devient un lieu incontournable de la « bohème », mouvement littéraire et artistique qui se manifeste par un style de vie mêlant pauvreté, rejet de la domination bourgeoise et de la société industrielle, et recherche d’un idéal esthétique et politique. Au Lapin Agile, on retrouve ainsi l’écrivain Pierre Mac Orlan qui vient y chanter quelques chansons ou Guillaume Apollinaire qui y lit ses poèmes. Pablo Picasso vient également y peindre.

Le père Frédé jouant de la guitare au Lapin Agile en 1905

En 1910, le Lapin agile a aussi été le théâtre d’un célèbre canular artistique. En effet, cette année-là, l’un des clients réguliers de l’établissement, le journaliste et écrivain Roland Dorgelès, souhaite se moquer des critiques d’art. Pour cela, il emprunte l’âne du patron du cabaret. Il lui accroche au bout de la queue un pinceau avec de la peinture et le place devant une toile. Sous le contrôle d’un huissier, il donne des carottes à l’âne afin que celui-ci secoue sa queue et bouge le pinceau sur la toile.
Il signe l’œuvre Joachim-Raphaël Boronali. Il la présente ensuite à Paris, dans une grande exposition d’art réunissant de multiples artistes connus et inconnus. Le tableau nommé Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique fait l’objet de différents articles, dont quelques-uns sont même élogieux !


Roland Dorgelès dévoile alors son canular dans les colonnes du journal L’Illustration. Il prouve ses dires grâce au constat de l’huissier et grâce à une photo où l’on voit l’âne appliquer de la couleur sur la toile. Dorgelès explique que le canular avait pour but de « montrer aux niais, aux incapables et aux vaniteux qui encombrent une grande partie du Salon des indépendants que l’œuvre d’un âne, brossée à grands coups de queue, n’est pas déplacée parmi leurs œuvres. »


Cet article sur l’histoire des cabarets de Paris et d’Au Lapin Agile vous a plu ? Rejoignez-nous pour une visite guidée historique en mobylette !