Ce personnage historique a été maire de Paris en 1879. Il est le premier métis et le dernier en date à avoir occupé ce poste.
Un metisse issu de la bourgoisie cubaine
Severiano de Heredia est né à Cuba, le 8 novembre 1836, à une époque où l’île était encore une colonie espagnole pratiquant l’esclavage. Inscrit sur les registres de naissance en tant que « mulâtre, né libre », Severiano de Heredia était l’enfant de deux « gens de couleur libres », autrement dit des Noirs ou des Métis, mais non esclaves. Il était également le filleul d’un avocat et propriétaire d’une grande plantation possédant des esclaves. Il a donc grandi dans une famille aisée.
À l’âge de 10 ans, son parrain l’a envoyé à Paris accompagné de sa marraine d’origine française. Et cela, afin de l’éloigner des troubles qui agitaient alors Cuba et qu’il reçoive la meilleure éducation possible. Il a donc fait ses études à Paris dans le lycée Louis-le-Grand, réservé aux élites, et a fini par y recevoir le grand prix d’honneur en 1855.
Passionné de littérature, il a commencé à écrire des nouvelles et des poèmes, puis s’est lancé dans une carrière de journaliste et de critique, en travaillant au sein de journaux comme La Tribune française, politique et littéraire, au sein duquel ont également œuvré Émile Zola et Luc Ferry.
En 1868, il a épousé une Française – Henriette Hanaire – dont il a deux fils. En 1870, il a obtenu la naturalisation française.
Conseiller municipal, député, puis ministre
Parallèlement, il s’est lancé dans une carrière politique. Il a pris position en faveur de l’indépendance cubaine. En 1866, il a rejoint la Franc-maçonnerie en adhérant à « L’Étoile Polaire » du Grand-Orient de France. Il s’est ensuite engagé dans le camp républicain, tendance radicale.
De 1973 à 1881, il a été plusieurs fois élu au conseil municipal de Paris pour le quartier des Ternes, dans le 17eme arrondissement. Et en 1879, il est même devenu président du conseil municipal de Paris. Cela lui vaut aujourd’hui d’être désigné comme le « premier maire noir de Paris ». Toutefois, ce poste était honorifique, limité à un an, et ne permettait pas d’accéder aux mêmes pouvoirs que ceux du maire actuel. Lors de ce passage parmi les élus parisiens, Severiano de Heredia a défendu différentes mesures sociales comme la création de coopératives ouvrières et la mise en place de bibliothèques municipales.
Il a ensuite poursuivi sa carrière à l’Assemblée nationale où il a été élu député en 1881 et 1889. Là, il a pris position en faveur de la laïcisation des hôpitaux et des cimetières, de la légalisation du divorce, des sociétés de secours mutuel ou encore de la limitation de la journée de travail à 10 heures pour les enfants de moins de douze ans.
Enfin, il a été ministre des Travaux publics durant six mois en 1887. À ce titre, il a par exemple travaillé sur les différents projets du futur métro parisien dont la première ligne sera inaugurée en 1900.
Déclin
Par la suite, sa carrière a néanmoins périclité et il a perdu aux élections législatives de 1889 et 1893. L’une des raisons expliquant de son déclin serait à chercher du côté de l’expansion de l’empire colonial français, qui était alors justifié par le devoir de « civiliser » les populations indigènes. Projet colonial qui se manifestait dans Paris par l’organisation de zoos humains mettant en scène des hommes, des femmes et des enfants non européens venant des colonies.
En effet, dans ce contexte, la présence de Severiano de Heredia parmi les élites françaises devenait gênante pour les partisans du projet colonial français, car elle contredisait la nécessité de « civiliser » les Noirs. À cette époque, le racisme s’est développé et Severiano de Heredia a ainsi été surnommé par certains « le ministre chocolat », « le nègre du ministre » ou encore le « nègre roublard aux grosses lippes ».
À noter que malgré cela, Severiano de Heredia ne s’est pas opposé à la colonisation. En tant que député, il a par exemple voté en faveur de la deuxième expédition militaire du Tonkin visant l’expansion coloniale française en Asie du Sud-Est. Du reste, après avoir hérité de la plantation cubaine de son parrain, il a lui-même été propriétaire d’esclave.
Après 1893, il s’est retiré de la vie politique et s’est consacré à l’histoire de la littérature. Il est mort le 9 février 1901 d’une méningite à son domicile de la rue de Courcelles à Paris. Il est enterré au cimetière des Batignolles. En 2013, une voie du 17e arrondissement a été rebaptisée avec le nom de ce personnage historique de Paris.
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En savoir plus : Paul Estrade, Severiano de Heredia. Ce mulâtre cubain que Paris fit « maire » et la République, ministre, Paris, Les Indes Savantes, 2011, 166 p.