Le grand hiver de 1879

Le climat parisien est de type océanique. Les hivers y sont donc doux avec une température moyenne tournant autour des 5° Celsius. La capitale a néanmoins connu quelques hivers exceptionnels durant son histoire. Cela a été le cas en 1879.

Accumulation de neige

Au début du mois de décembre 1879, la neige a recouvert Paris. La quantité était si importante et les températures si basses qu’elle y est restée plusieurs semaines.

Paris n’était pas préparé et le déblaiement s’est avéré extrêmement difficile, voire impossible. Le service de la voie publique de la ville a mobilisé environ 20 000 ouvriers, 3000 charrettes et 5000 chevaux. Cela n’étant pas suffisant, elle a dû réquisitionner les commerçants, les artisans et les maraîchers disposant de charrettes et de chevaux. Le 11 décembre se sont ainsi 40 000 véhicules et 11 000 chevaux qui ont été employés pour dégager la neige des grands axes.

Encore fallait-il savoir ou mettre les tonnes de neige ainsi dégagée. Les décharges publiques ont vite été remplies. Il a alors été décidé de jeter la neige dans Seine, mais le fleuve a gelé et la neige accumulée a fini par atteindre le haut des ponts.

« Vue de toits (Effet de neige) » (peinture de Gustave Caillebotte datant de 1879)

L’accumulation de neige sur les toits a également causé des problèmes, car toutes les constructions n’étaient pas assez solides pour en supporter le poids. Or la mairie a interdit aux Parisiens de déblayer leurs toits, afin d’éviter que la neige tombe dans la rue et s’ajoute à celle qu’elle n’arrivait pas à enlever. Des constructions se sont donc écroulées.

Le marché Saint Martin, situé dans le 10e arrondissement, était fait de pierre et de poutres métalliques et paraissait solide. Le 9 décembre 1879, vers 21 h 45, il s’est affaissé sous le poids de la neige dans un fracas assourdissant. Le marché étant vide à cette heure tardive, il n’y’a pas eu de victime.

Ralentissement des transports terrestres et fluviaux

La neige a considérablement ralenti les déplacements dans la région parisienne. Les lignes de train se sont arrêtées. Les tramways et les omnibus tractés par des chevaux ont été confrontés à des accidents très fréquents, car les animaux dérapaient sur la chaussée. Certains Parisiens ont donc eu l’idée de fabriquer des traîneaux pour remplacer les fiacres. On a ainsi compté sur les Champs-Élysées, jusqu’à un traîneau pour cinq carrosses durant cet hiver 1879 !

De même, la Seine étant gelée sur 40 centimètres d’épaisseur, la circulation des bateaux y est devenue impossible. La glace a endommagé les coques des navires, même si les mariniers tentaient de la briser au fur et à mesure qu’elle se formait autour de leurs bateaux.

Les Parisiens ont alors commencé à se promener à pied sur la Seine et à y faire du patin. La nuit de Noël 1879, une balade au flambeau y a même été organisée, entre le pont de la Concorde et le Pont-Neuf.

Début janvier 1880, la glace a fondu brusquement à la faveur d’un réchauffement de la température. Le courant a été très fort et les morceaux de glace et les déchets de bois ont endommagé différents ponts de Paris, brisant même la passerelle des Invalides.

La Seine a ensuite gelé de nouveau, perdant son aspect lisse et devenant impraticable même à pied ou en patin.

Toutes ces difficultés de transport ont fini par impacter l’approvisionnement de la ville. Les Parisiens n’ont pas connu la famine durant l’hiver, mais certaines marchandises, comme le charbon, ont manqué.

Immobilisation des machines par le gel

Durant cet hiver 1879, la température est descendue jusqu’à -23 degrés. Ce froid sibérien a causé des problèmes en gelant de nombreux mécanismes.

Des canalisations d’eau ont gelé et se sont brisées. Le gaz a dû être coupé, car les compteurs étaient pris par le givre. Le Musée du Louvre a ainsi dû fermer ses portes, car le chauffage n’y fonctionnait plus.

De même, des usines ont été mises à l’arrêt puisque les machines étaient grippées par le froid. Des milliers d’ouvriers parisiens se sont donc retrouvés au chômage technique. Une chaudronnerie industrielle située dans la rue Vicq d’Azir, entre le canal Saint Martin et le parc des Buttes Chaumont, a même été détruite. Le gel a bloqué un circuit d’évacuation d’une machine à vapeur qui s’y trouvait. La pression s’y est donc accumulée et tout a explosé. Le plafond de l’usine s’est écroulé et les flammes se sont propagées. Six ouvriers ont été tués et quatre autres blessés.

Une chaudronnerie parisienne en 1909

Premier salage des rues parisiennes

Si le déblayage de la neige n’a pas été efficace, cet hiver 1879 a néanmoins été l’occasion de mettre en place un nouveau procédé à Paris : le salage des rues. Après un essai fructueux sur le boulevard de Clichy, 20 000 kilos de sel ont été rependus sur les rails des tramways permettant ainsi de les faire repartir. Quelques grands axes ont ensuite bénéficié de ce traitement. Après l’hiver 1879, Paris a donc décidé de commander avant chaque saison hivernale 4 000 tonnes de sel réparties dans une dizaine de dépôts municipaux. Le chasse-neige a même fait son apparition quelques années plus tard, en 1881.

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